Open Opera

OPEN OPERA

Tout est lié, le vivant est ainsi fait.
Chacune de nos pensées, chacun de nos actes nous apprennent que nous sommes seuls.
Nous existons dans et par cette dialectique.
Open Opera creuse ce gisement.

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Les Mémoires d’un fou de Flaubert et Darkness de Byron décrivent un cauchemar apocalyptique, une fragance noire qui ont submergé Open Opera et fixé la tonalité des images. Mais il fut, aussi et d’abord, question du Livre de Mallarmé, poème immense et bien sûr inachevé, qui devait contenir toute la poésie du monde. Ce projet mallarméen devint le fil rouge auquel le film se suspend.

La décharge

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Après un bref état des lieux, s’amorce l’hypothèse désirée de la disparition du tragique. Pour ce faire, il fallait imaginer la destruction de ce qui nous anéantit. Ce rêve éveillé s’est bâti sur deux faces. Au recto, l‘intuition qu’il faut être simultanément à l’écart de et immergé dans le réel. Au verso, la conviction qu’il n’y a ni vieil aujourd’hui ni rédemption future, juste une aventure qui commence au présent et dont nous serions les auteurs : Le bel aujourd’hui.

L'explosion

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Pour filmer une histoire de l’horreur et de la colère qu’elle génère, il fallait éviter le risque de s’ériger en maître à penser, en démiurge. Le film ne démontre rien, n’est pas une leçon donnée. Je ne siège pas au tribunal de l’Histoire. Je voulais être ailleurs, un électron qui tente d’être libre – compliqué, irrévérencieux et fantasque. Je risquais aussi d’engager le propos sur la pente glissante de l’humanisme, et donc de la culpabilité, de la contrition,  toutes choses qui alimentent l’essentiel de la production cinématographique et s’avéraient foncièrement contraires au projet. J’ai donc imaginé une allégorie fantaisiste : voyager avec un fantôme, l’accompagner d’alpha (Hubris, la Ville et son fracas humain) à omega (Negens, l’absence humaine). Pour écarter tout défoulement pathétique, j’ai mis en jeu ce qui, au cours du temps, constitua mon interprétation du réel afin qu’émerge une histoire différente qui à la fois soit mienne et parle à d’autres.

Le piège

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Le formalisme du film est concrètement un open opera, une œuvre ouverte par ses multiples tours et détours. M2, le Double, se perd dès ses premiers pas dans la ville. Son errance stupide est la seule règle, le diapason du film. Les personnages qu’elle croise dans la ville, de même que les voix off, sont des microcosmes échappés d’on ne sait quels ailleurs. Ils ouvrent, chacun à sa façon, l’espace du film. Ces ludions parasitent, polluent ou participent aux caprices de M1, supposé démiurge. L’impuissance de M1 à organiser une stratégie viable va la contraindre à repenser sans cesse  sa perception du réel, confrontée à ce prolégomène indépassable : savoir, c’est savoir que l’on ne sait pas. Les éléments naturels habitent les images à leur guise, leur présence capricieuse emporte au loin ce qui imaginait les contraindre, il fallait qu’il en soit ainsi.  Quant au fil sonore, il s’ouvre sur une sixte majeure descendante empruntée à  Citizen Kane, un intervalle bizarre, magique suivi de variations torturées – cela va de soi.

Le mythe